OMVS le journal N° 13 - Août 2017

15 FOCUS SUR GOuINA OMVS le journal N°13 - Août 2017 www.omvs.org O n ne fait pas d’omelette sans casser des œufs… Pour réa- liser le barrage hydroélec- trique de Gouina, prévu sur le fleuve Sénégal en territoire malien, des populations se- ront déplacées et réinstallées conformément à la législation malienne et les directives du groupe de la Banque mondiale. Il faut dire que près de 1.690 ha de terres seront inon- dées par la retenue, et 3.000 personnes, ré- parties en 564 ménages et 193 familles, affectées. Pour ce qui concerne les populations les plus directement touchées, le PGeS com- porte un Plan d’action de Réinstallation 1 , PaR, estimé à 2.568.255.233 francs Cfa, qui a été mis en branle par l’OMVS. « Pour la réinstallation des populations affec- tées par le projet de Gouina, quatre sites ont été choisis dont trois dans la commune de Diamou (Banganoura, foukara et Tambolou- koto) et un dans la commune de Bafoulabe (Talari) » explique M. Bourehima Kanté, in- génieur en génie civil, chef de mission du bureau INGeRCO chargé du suivi et du contrôle des travaux du PGeS. le PaR prévoit la construction de bâtiments, l’aménagement, la voirie et le drainage, l’électrification et l’adduction d’eau potable dans chacun de ces nouveaux sites. au total, 106 logements, cinq mosquées, trois centres de santé, quinze salles de classes, quatre châteaux d’eau et quatre maisons communes sont en construction. Il a fallu auparavant tenir des réunions d’in- formation et de sensibilisation des popula- tions sur les enjeux de ce profond bouleversement qui allait affecter leurs exis- tences. Puis, des démarches ont été entre- prises auprès des autorités maliennes afin d’acquérir la Déclaration d’utilité publique et déclasser la forêt de Bagouko. Dans le même temps les structures du PGeS sont mises en place avec la création du Comité régional de Kayes (CRK) et le recrutement du personnel de la Cellule technique de mise en œuvre (CTM). Une ONG sera char- gée de piloter le Plan d’action de Réinstalla- tion, en partenariat avec un bureau d’architecture. L’éTaT d’aVaNCeMeNT deS TRaVauX eSTIMé À 57.30% les quatre sites de réinstallation sont en chantier mais ne sont pas tous au même ni- veau d’avancement. Si celui de Banganoura est bien avancé, les trois autres accusent du retard. les chefs de chantiers et ou les contrôleurs des travaux évoquent des difficultés surtout d’ordre tech- nique, dues à l’enclavement de ces trois sites et à l’état presque impraticable des pistes d’approvisionnement, surtout en cette saison pluvieuse. D’autres difficultés seraient liées à des questions de logistique ou de tré- sorerie. De façon générale, l’état d’avance- ment du travail est estimé à 57,30% et jugé satisfaisant selon les deux responsables de la mission de contrôle. Malgré quelques difficultés rencontrées, le PaR suit son cours. Selon le coordonnateur de la Cellule technique de mise en œuvre (CTM), M. Traoré, des mesures sont en cours pour remédier aux inquiétudes des popula- tions. en plus des maisons, des terres seront allouées aux populations pour compenser leurs champs perdus. elles recevront égale- ment des compensations financières « allant de 3.000.000 à 10.000.000 de francs Cfa voire plus » a confié M. Traoré. M alembelé est un hameau composé de 18 ménages, en majorité des cultivateurs. Ces habitants y pratiquent aussi la pêche et l’élevage. Il sera ré- installé à Talari. Pour le chef de ce hameau M. Dionkounda Bakari Cis- soko, c’est un mal nécessaire : « si les auto- rités nous demandent de partir d’ici, nous allons partir. Je suis le chef du village ici. et ce que je dis, c’est ce que la population fait. Tout le monde est donc d’accord avec moi pour partir d’ici. Nous attendons seule- ment ». Dounfaïlo est un petit hameau de seulement quatre ménages. Il vit de l’agriculture, l’éle- vage et la pêche. Il sera déplacé à Tambo- loukoto. amadou Konaté, un des habitants du hameau se confie : « quitter ce village, c’est vraiment malgré nous. Nous avons nos souvenirs ici, les tombes de nos ancêtres ici, etc. Mais si nous ne partons pas nous serons noyés par l’eau. Nous espérons trouver là où nous partons suffisamment d’espace pour continuer nos activités ». Bougouda, sera réinstallé à Banganoura à l’exception d’un ménage qui ira à foukara. Pour les habitants de ce hameau, la pru- dence est de mise jusqu’à ce qu’ils soient installés dans leur nouveau site. le chef du village, founèké Konaté, est sceptique : « ici, c’est chez nous, la terre de nos ancêtres. S’il ne tenait qu’à nous, nous resterions ici. Pour le moment, nous ne voyons pas d’avantage à quitter nos terres. Nous attendons de voir. Si nous arrivons là-bas, et que nous consta- tons que ces endroits nous arrangent, nous seront contents. Sinon, pour le moment, rien ». Pour Oumar Kanté, « les maisons sont petites, les enfants n’auront pas de place de même que les veuves ». Dogou, ce petit hameau de culture de quatre ménages se retrouvera à foukara. les habi- tants s’inquiètent surtout au sujet de leur hy- pothétique adaptation au nouveau site. « Nous savons que nous devons partir. Mais nous avons quelques inquiétudes. Nous ne savons pas si nous aurons suffisam- ment d’espace pour nos animaux et nos champs. Il y a aussi que d’autres parmi nous se sont mariés après le recensement. Ils n’ont pas de maison et nous ne pouvons pas partir et les laisser se débrouiller tous seuls. Ce sont ces quelques inquiétudes que nous avons concernant ce déplacement » confie Bakari Soumaré un de ses habitants. foukara île est l’un des villages qui seront noyés par les eaux du Barrage. Ces habi- tants seront réinstallés à Banganoura. Ici aussi, comme dans les hameaux, la popula- tion ne cache pas ses états d’âme. Drissa Soumaré se fait leur porte-parole : « si nous nous sommes installés sur cette île, c’est pour des raisons bien précises. Ici, il fait bon vivre. On peut cultiver, pratiquer la pêche et il y a assez d’espace pour nos animaux. Nous y avons aussi les souvenirs de nos an- cêtres. Nous avons ici des cases qui datent d’avant 1958. Mais là où nous devons aller, nous ne sommes même pas sûr d’avoir suf- fisamment de places pour nous, encore moins pour notre bétail. Sinon, le barrage peut nous être utile ». foukara rive gauche : les populations de ce village seront réparties entre foukara et Ban- ganoura. Daouda Cissoko, un des membres du comité de réinstallation affirme : « nous aimons bien cette réinstallation parce que le barrage servira à tout le monde. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de difficultés. Il y en a toujours lors des déplacements. D’abord, nous serons séparés et, ensuite, tout le monde n’a pas eu de maison. Cela est une inquiétude car nous ne savons pas com- ment résoudre ce problème ». ….LeS eSPoIRS deS auToRITéS la commune rurale de Diamou abrite trois des quatre sites : Banganoura, foukara et Tamboloukoto. la mairie a travaillé avec les équipes de l’OMVS depuis le début du projet nous confie Dramane Diakité, le maire sor- tant et actuellement conseiller : « nous étions aux côtés des équipes de l’OMVS dans les villages pour d’abord donner l’information et ensuite sensibiliser pour une meilleure com- préhension du projet. Nous avons adhéré à l’idée de réinstallation à la condition qu’il y aurait compensation des biens de la popu- lation. De façon générale, tout ce qui s’est fait a été en commun accord avec la popu- lation et les autorités rurales que nous sommes ». le Maire actuel de la commune, abibou Dia- kité, renchérit : « Nous approuvons ce dé- placement de la population pour la réussite du projet de barrage. Je fais partie du comité régional de Kayes (CRK) et nous faisons des visites pour suivre de près ces activités. le déplacement des populations est un incon- vénient de la construction du barrage. Mais il y a aussi des avantages tels le développe- ment de la commune. Il est évident que les avantages dépassent les inconvénients car il n’y a pas d’opposition catégorique de la part des populations mais plutôt des inquié- tudes ». Pour le secrétaire général de la mairie, M. Boubacar abib Sidibé, les attentes sont nombreuses : « nous attendons beaucoup de ces réalisations. la commune doit béné- ficier des avantages du barrage. Nous atten- dons par exemple que la commune soit électrifiée, nous attendons également que l’OMVS verse annuellement de quoi permet- tre le bon fonctionnement de la collectivité ». autant de questions légitimes auxquelles le PGeS s’attache à trouver une réponse adé- quate. Des villages et hameaux affectés par le projet de Gouina sont sur le point d’être réinstallés. De façon générale, ces villa- geois qui ne font pas mystère de leurs états d’âme, attendent de voir ce que leur réserve l’avenir. au total, quatre hameaux et deux villages sont affectés par ce projet et seront dis- séminés dans quatre sites. L’inquiétude est partout palpable : les villageois ont évoqué, entre autres soucis, l’insuffi- sance des logements, la situation des veuves qui ne sont pas prises en compte dans la distribution des logements, le cas des migrants qui sont de retour, l’inquié- tude sur leurs dédommagements, etc. Reportage. 1 La Composante 3 du PGES, intitulée « Indemnisation et compensation des populations déplacées » constitue le Plan d’Action de Réinstallation, PAR (voir encadré p.). les villageois dans l’expectative… la réinstallation enclenchée

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